• Le STO: documents administratifsLe STO: documents administratifsLe STO à Lauta Werk près de Dresde: documents

     

    Il existe à Caen un service dénommé "Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains" qui dépend du ministère de la défense. Et ce service qui fonctionne dans la discrétion gère entres autres les dossiers des personnes déportées au Service du Travail Obligatoire.

    Ayant appris l'existence de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains, j'ai écrit à tout hasard, doutant de recevoir une réponse sur mon père et mon grand-père.

    La demande se fait par écrit seulement. J'ai été étonnée de recevoir assez vite une réponse avec une liste de documents et de la facilité des contacts par la suite. Peut-être l'éloignement des derniers conflits a-t-il réduit la demande et augmenté la disponibilité du personnel.

     J'ai reçu copie des dossiers de Louis MARIA et René VICTOR très proprement présentés dans deux sous-chemises. Voici les renseignements que j'y ai trouvés.

    Il y a un malentendu sur le STO. En effet l'occupant allemand a d'abord cherché à attirer des volontaires en fermant les usines en France et en offrant de bons salaires aux ouvriers volontaires pour aller travailler en Allemagne, partir au STO est alors un acte de collaboration motivé par l'argent. Mais comme les volontaires n'ont de loin pas été assez nombreux, le départ est devenu forcé dès l'année 1942. Les ouvriers ont été traités à peine différemment des prisonniers mais l’opinion a confondu les deux situations, celles des ouvriers volontaires et celles des salariés réquisitionnés. Ni Louis ni René n'étaient volontaires. La fiche de recrutement porte le tampon de l'établissement dans lequel ils travaillaient à Paris, de fortes pressions étaient exercées sur les entreprises pour qu'elles livrent un contingent de travailleurs.

    Néanmoins un contrat de travail était toujours établi. Louis Maria a un contrat de travail de 12 mois comme ouvrier spécialisé au Lauta Werk, une usine située à Lauta près de Dresde qui a employé des milliers de travailleurs déportés.L'embauche date de février 1943 et il est rapatrié le 21 mai 1945 via le centre de Mezières. Une fiche médicale est établie le 7 mars 1949 par le ministère des prisonniers, déportés et réfugiés. Louis mesure 1m67, pèse 54kg et son état général est qualifié de mauvais, avec des problèmes digestifs, une hernie, un rhumatisme, des vertiges et des sueurs. Cela m'étonne car je ne l'ai jamais entendu se plaindre de sa santé.

    René Victor a lui aussi un contrat de travail de 12 mois pour le Lauta Werk (Calau) mais en tant que dessinateur. Une demande de passeport bilingue allemand/français avec photo datée de février 1943 figure au dossier. Elle est "soumise à enquête". L'enquête figure aussi au dossier. C'est une enquête à domicile et de voisinage en urgence datée du 27 avril. L'enquêteur doit vérifier l'état civil, la nationalité, le domicile et son attitude politique. L'enquêteur note: "Il n'est fait sur son compte aucune remarque particulière tant au sujet de sa conduite, moralité et politique. On le dit de nationalité française et de race aryenne". L'examen médical après rapatriement date du 26 février 1949,  il est en bonne santé.

    Le STO à Lauta Werk près de Dresde: documents Le STO à Lauta Werk près de Dresde: documents Le STO à Lauta Werk près de Dresde: documents

    L'existence des contrats de  travail ne signifie pas qu'ils étaient volontaires pour le départ. René a toujours dit qu'il était parti sous la pression de sa mère qui avait peur des représailles de l'occupant en cas de fuite de son fils. Elle aurait menacé de le dénoncer. Louis ne s'est jamais exprimé sur ce sujet.

    Je suppose que de l'argent a été envoyé aux familles durant leur réquisition en Allemagne car elles semblent ne pas avoir eu d'autres ressources que leur salaire. En tout cas une prime a été versée au départ, comme dans ce témoignage.

    L'usine LAUTA produisait de l'aluminium depuis la fin de la  première guerre mondiale. Le Lauta Werk est une des entreprises qui a eu le plus recours à une main d’œuvre esclave. La plupart venaient de l'est, ldes juifs aussi ont été employés. Peter Belli écrit: "In den sechs Kriegsjahren wurden im Lautawerk insgesamt 5419 Zwangsarbeiter aus Polen, der UdSSR, dem Baltikum, aber auch aus Italien, Frankreich und Belgien registriert. Beim letzten Lagerappell am 12. April 1945 zählte man noch 2450. Selbst wenn man annimmt, dass viele von ihnen spätestens nach der Besetzung durch die Rote Armee fliehen konnten, bleibt doch eine große Anzahl von Zwangsarbeitern, über deren Schicksal man nichts weiß." 

    "Durant les 6 années de guerre l'usine employa en tout 5419 travailleurs forcés de Pologne, de l'URSS, de la Baltique mais aussi venant d'Italie, de France et de Belgique. Lors du dernier appel le 12avril 1945, on en comptait encore 2450. Même en supposant que beaucoup d'entre eux ont pu s'enfuir au plus tard avant l'occupation russe, il reste un grand nombre de travailleurs forcés dont on ignore le destin."

    Télécharger « Lautawerk.pdf »

    Ceci corrobore le témoignage de mon père qui a souvent parlé des prisonniers polonais et russes affamés à qui parfois il jetaient de la nourriture par-dessus les grillages, ce qui était naturellement interdit. Il n'a jamais parlé des juifs qui étaient sans doute à l'écart.

    Eux-même étaient logés dans des baraquements (de planches?) mal chauffés par un poêle et il étaient contents losqu'ils avaient pu voler des pommes de terre pour se nourrir ou du charbon pour se chauffer. Louis, René et Grollier se sont connus là-bas et y ont noué une camaraderie durable.

    L'usine a été bombardée en 1944, 3700 bombes ont touché l'usine. René disait à propos du bombardement de Dresde qu'ils avaient eu de la chance car il étaient en dehors de la ville. Je ne sais pas s'il se trouvait à se moment à Lauta à une soixantaine de kilomètres de Dresde ou à l'écart de l'usine de Lauta. Les troupes américaines occupent l'usine de Lauta le 28 février 1945.

    Louis a été rapatrié le 21 mai 1945 au centre de Mézières,  René je ne sais pas, leur camarade Grollier semble être resté sur place jusqu'à l'arrivée des Russes qui l'ont emmené en Russie, en Sibérie à ce qu'il me semble. Il n'est rentré en France que plus tard.

    La fin de l'activité de Lauta Werk sous les nazis ne signifie pas la fin de l'entreprise qui a continué à exister jusqu'en 1990 sous un autre nom.

     

    Documents:

    • Le STO: documents administratifs Le STO: documents administratifs
    • Le STO dans Wikipedia
    •  Bombardement du 16 janvier 1945 sur l'usine Lauta: http://www.b24.net/missions/MM011645.htm
    •  Adresse de René à cette époque: 179 rue Vercingétorix, ma première adresse?
    •  Mémoires de guerre - Témoignages http://www.unicaen.fr/memoire-guerre/?q=fr/archive/service-du-travail-obligatoire-des-mois-entre-parenth%C3%A8ses/3904#chap_1
    • Archives de l'ITS  https://www.its-arolsen.org/no_cache/fr/les-archives/recherche-dans-linventaire/resultats/index.html?ushmm_id=10381

              https://www.its-arolsen.org/de/hilfe-und-faq/dokumentenbeispiele/index.html

    • François Cavanna Lune de miel Gallimard 2011Lire entre autres le chapitre Les pommes

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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