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         Souvenirs d'enfance: après-guerre Souvenirs d'enfance: après-guerreSouvenirs d'enfance: après-guerre

     

      

     

     

     

     

    C'était entre ma naissance et notre départ pour le Canada qui a fait une césure dans ma vie d'enfant.

    Il y avait des 78 tours. Il y a toujours eu de la musique chez mes parents. Le tourne-disque jouait  Le chant des partisans avec ses roulements de tambours, Les Trois Cloches, la 5e symphonie de Beethoven et la Pastorale. Mon père disait Bethov. Il paraît que je chantonnais "la 5e symphonie", ce que mon père devait présenter plus tard comme une marque de mon génie supérieur - mais si décevant.

    Chant des partisans

    « Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
    Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne,
    Ohé ! partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme !
    Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes... »

    Je m'en souviens, c'est à peine croyable mais je m'en souviens et la détermination du chant me fait encore frissonner et même pleurer. La sauvagerie qu'il exprime ne m'apparaissait pas.

    Mes parents n'avaient pourtant rien fait pour résister aux Allemands dans la réalité mais ma mère idéalisait les actes qu'elle n'avait pas accomplis. Elle racontait ses années d'occupation, elle parlait des dérisoires mais téméraires gestes dont elle avait été témoin: écrire sur les murs, déchirer des affiches. Elle avait vu une fois quelqu'un couper la lanière du poignard d'un soldat allemand dans le métro. Elle écoutait radio Londres, elle racontait qu'elle avait vu entasser les enfants juifs dans des bus au milieu de l'indifférence générale, les rafles, les otages. Elle aurait connu un résistant, m'a dit une fois en passant, à quel point était-il résistant, le connaissait-elle bien?

    Quelque chose de l'exaltation de ses récits me pénétrait et me formait à la révolte.

    Je me souviens aussi des trois cloches d'Edith Piaf, 

    Cette chanson écoutée, réécoutée me fait pleurer elle-aussi. Elle évoque le destin immuable des humains, naître, grandir, engendrer et mourir, au sein d'un village immuable, une vie réglée telle qu'aucun membre de ma famille n'en a connue. Est-ce l'absence de ce village mythique ou la réalité de la fatalité de notre déclin et de notre mort qui m'émeut le plus? Ou simplement le son des cloches reproduit par les Compagnons de la chanson?

    Tambours, cloches, les trois coups du destin de la 5e qui étaient les trois coups de Radio Londres, tout cela créait un climat assez dramatique. Ce climat était renforcé par les récits sur l'enfance malheureuse de ma mère, l'occupation, les bombardements.

    J'avais été malade tout bébé et il avait été difficile pour mes parents de me nourrir alors que le rationnement subsistait, ils m'en ont bien fait part. Il n'y avait pas d'entourage familial pour leur porter soutien, sauf peut-être ma tante, plus jeune qu'eux et si  vulnérable.

    Malgré leur dynamisme et leur courage, le foyer créé par mes parents n'était pas gai. Mais il était confortable et intéressant pour la petite fille que j'étais car j'étais entourée de musique et d'histoires et bercée par la douce voix de maman. Écrivant cela, je me souviens d'une "chanson douce" (de son vrai titre
    Le Loup, La Biche et Le Chevalier, d'Henri Salvador), je crois qu'elle me la chantait.

    Je ne manquais de rien, habillée comme une petite poupée, je devais réaliser les rêves de mes parents.

    Cette tâche-là s'est avérée vraiment trop lourde.

     

    Pour en savoir plus:
    - Article de l'express
    - le chant des partisans dans Youtube
    Autre interprétation Youtube
     Pour écouter: Les trois cloches

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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