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Mon père René et mon grand-père Louis se rencontrent au STO
Avoir été au STO n'était pas glorieux, les déportés du STO n'étaient ni des prisonniers de guerre, statut honorable, ni des déportés civil, résistants ou victimes innocentes. Ils n'ont pas eu droit à des indemnités.
A leur retour d'Allemagne, ils sont accueillis à l'égal des prisonniers de guerre mais l'opinion publique fait assez vite une différence entre les deux catégories de libérés, l'affiche "ne les divisez pas" tente de contrer ce jugement défavorable aux anciens STO.
La dénomination officielle de « déporté du travail » est interdite aux associations de victimes du STO par la justice française (1992), ce pour éviter la confusion avec la déportation vers la mort qui a été le sort réservé aux résistants et aux Juifs, principalement.
"Selon la Fédération nationale des déportés du travail, fondée en 1945 et devenue en 1979 « Fédération nationale des victimes et rescapés des camps nazis du travail forcé », 60 000 d'entre eux seraient morts en Allemagne et 15 000 auraient été fusillés, pendus ou décapités pour « actes de résistance ». Les historiens jugent aujourd'hui ces chiffres excessifs, et estiment qu'entre 25 000 et 35 000 STO ont perdu la vie en Allemagne. Leur emploi dans des usines d'armement bombardées, souvent dans de mauvaises conditions et sous la surveillance fréquente de la Gestapo, a en tout cas occasionné un taux de mortalité supérieur à celui des prisonniers de guerre. " (Wikipedia)
Enfant, je ressentais cette différence et en étais vaguement honteuse.
La plupart des Français au STO n'ont pas eu le choix. Cependant la '"relève" a précédé le STO et envoyé des ouvriers volontaires en Allemagne en actionnant trois leviers:
- fermeture par les Allemands de beaucoup d'usines pour créer un grand nombre de chômeurs disponibles à recruter
- promesse de salaires élevés en Allemagne
- chantage moral à la libération des prisonniers: pour trois spécialistes allant en Allemagne, un prisonnier devait être libéré.
Peu de volontaires se présentent, c'est alors que le Service du Travail Obligatoire est instauré par la loi française du 4 septembre 1942 qui introduit la conscription obligatoire pour tous les hommes de 18 à 50 ans et pour les femmes célibataires âgées de 21 à 35 ans. Une certaine confusion persiste dans l'esprit public entre les volontaires et les requis.
Contrairement aux anciens STO interviewés par Jean-Marc Vittori, ni René, ni Louis ne manifestaient de gêne à parler de cette période. La possibilité de partager leurs souvenirs en famille a sans doute été une chance pour eux.
En Allemagne, leurs conditions de vie ne semblent pas avoir été meilleures que celles des prisonniers. Ils vivaient dans des baraquements avec des châlits. Louis et René partagaient la même baraque à peine chauffée en hiver. C'était près de Dresde, ils travaillaient dans une usine. J'ai cru entendre Louis parler d'un travail de chimiste. A la table familiale, ils parlaient avec plaisir des larcins et des combines qui leur avaient permis de survivre, vols de pommes de terre dans des champs, vol de charbon....Anciens du STO, René, Louis et un autre camarade, Grollier de Carpentras, étaient unis par les épreuves endurées en commun.
René a parfois parlé des prisonniers russes et polonais affamés qui étaient parqués derrière des grillages et auxquels ils ont parfois jeté un peu de nourriture sur laquelle les malheureux se précipitaient. René et Louis disaient aussi avoir été témoins du bombardement de Dresde, leur camp se trouvait heureusement à l'extérieur de la ville.
René se dédouanait de son départ pour l'Allemagne ne disant que sa mère avait menacé de le dénoncer aux Allemands. Jamais il n'en a parlé avec elle devant moi. Ma mère m'a dit qu'il valait mieux qu'il ne se soit pas caché pour se joindre à la résistance car à l'époque il aurait eu peu de chances de survivre.
De fait la répression en 1942 est plus forte qu'à la fin 1943, les chances de se cacher et d'échapper aux réquisitions sont moindres.
Louis ne s'est jamais exprimé à ce sujet.
Si Louis et René ne s'étaient pas rencontrés dans le camp et ne s'étaient pas liés, je n'existerais pas puisque René n'aurait jamais rencontré Etiennette, ma mère.
Maintenant, je prends conscience de toutes les questions que je n'ai pas posées: comment s'appelait le camp? L'usine? Quand et comment sont-il partis? Et comment s'est passé leur retour? J'ai écrit sans grand espoir de réponse à une administration dénommée "Département Reconnaissance et Réparation" à Caen pour essayer d'obtenir quelques renseignements.
Bibliographie succinte:
Les Russkoffs François CAVANNA, Albin-Michel 1996
Eux, les STO Jean-Pierre VITTORI novembre 2007- Essai. Commentaire dans CritiquesLibres.com: http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/40506
Emission de France-Inter en deux parties: 1/2 Le STO (1942-1945) État Français
Service du Travail Obligatoire
Tags : Lager, camp, René, Louis, STO, Dresde
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Commentaires
Bonsoir, je pense avoir trouvé votre ascendant avec les beaufort , mon arrière Grand Pére. Bonne soirée.